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La grande époque française (1850-1914)

La popularité des images pieuses s’accroît considérablement. Le nombre des éditeurs intéressés par le commerce dont elles font l’objet est lui-même de plus en plus important comme la variété des images qu’ils produisent. Vu leur production importante, ces images sont restées en beaucoup plus grand nombre dans les archives familiales. Les collectionneurs les connaissent donc bien. On se bornera à rappeler les caractéristiques générales des grandes catégories dans lesquelles on peut les classer.

Les images réalisées à partir des années 1850 sont de plus en plus fines : les gravures sur bois sont à peu près complètement abandonnées au bénéfice des tailles douces sur cuivre et, de plus en plus, sur acier (la sidérographie), ce support permettant l’édition en beaucoup plus grande quantité. La lithographie remplace parfois la taille douce dans les images en noir et blanc mais prend surtout une place prépondérante dans les images en couleurs.

Même si les dessins sont parfois assez mièvres, c’est l’esthétique générale qui est privilégiée.

Dans le même temps, les éditeurs quittent peu à peu le quartier de la rue St Jacques et se rassemblent dans le quartier St Sulpice, d'où le nom d'imagerie "sulpicienne" ou , avec une connotation quelque peu péjorative, de "bondieuserie sulpicienne", donné aux images produites à cette époque. Paris compte plusieurs centaines d'éditeurs et la province presque autant.

La densité du message religieux diminue au fil des années. Le côté commercial l’emporte à coup sûr sur le militantisme engagé,  il faut plaire à la clientèle visée : les enfants et leurs parents. L’usage des images pieuses est en effet de plus en plus lié à l’éducation religieuse, au catéchisme et aux grandes cérémonies qui la ponctuent, en premier lieu la  première communion, cérémonie solennelle depuis la fin du XVIIème siècle mais qui devient au XIXème siècle un rite social.

Au début de la période, les images proposées sont toutes réalisées en taille douce. Les chromolithographies prendront ensuite une place de plus en plus grande voire prépondérante vers le dernier quart du 19ème siècle.

A l’exception notable des chromolithographies et, parfois, de très petites images de saint qui existent encore, elles comportent pratiquement toutes un texte de prière au verso.

 

 

 

Les gravures taille douce

On trouve d’abord, surtout au début de la période (mais encore après 1873 si l’on se réfère aux images éditées par Boumard), des images en noir et blanc encadrées par des dessins eux-mêmes en noir et blanc ou d’une autre couleur (dorée, rose, bleue….) mais uniforme. Parfois le dessin et la gravure sont de même couleur. Le dessin n’est plus, comme dans la première moitié du siècle, de style gothique mais de genres très variés : volutes, fleurs , motifs géométriques. Ensuite, la production comprendra des images en noir et blanc, parfois (rarement) en couleur, généralement réalisées en taille douce et encadrées beaucoup plus simplement d’un ou plusieurs traits, parfois dorés; ce sont les mêmes gravures que celles que l’on va trouver ensuite, encadrées de dentelle (v. ci-dessous, image de droite éditée par Letaille)

 

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 éditeur Dopter, taille douce, encadrée d'un dessin chromolithographié

éditeur Dopter, image sur support papier recouvert d'une couche de gélatine

éditeur Ch Letaille; c'est à partir d'une gravure de ce type que seront ensuite obtenues les images "dentelle"

Les images "dentelle"

Très rapidement, les images vont, à partir de ces modèles, monter en « solennité » en devenant de plus en plus élaborées et c’est là qu’apparaissent les fameuses images «dentelle » qui font la joie du collectionneur. La fabrication part d’une gravure réalisée comme précédemment (ou, plus rarement, par chromolithographie, v. plus loin). Cette gravure est ensuite placée sur une plaque d’acier comportant des reliefs aux bords arrondis mais aussi d’autres, pointus, profonds de plus d’un demi millimètre, tranchants,  destinés à  découper le papier. Chaque gravure est alors martelée manuellement à l’aide d’un maillet de plomb arrondi. L’image prend peu à peu un aspect gaufré et, là où les reliefs tranchants agissent, les perforations donnent la fameuse dentelle. L’image est ensuite détachée avec précaution de la matrice. Le maillet de plomb absorbe les reliefs en se déformant, il doit donc être régulièrement restauré dans sa planéité en le frappant contre un « marbre » qui est un bloc d’acier poli.

Les plus belles images sont celles dont la dentelle est dite « ajustée ». Dans ces images,  la dentelle prend toute la surface non occupée par l’illustration en épousant les contours des personnages (le Christ, l’Enfant Jésus, la Vierge, les saints…) ou les groupes de personnages représentés. La dentelle constitue alors par elle-même une représentation, parfois de toute beauté, de dessins encadrant ou prolongeant la gravure centrale (représentation d’étoiles, d’angelots, d’arbres ou divers végétaux …). En voici quelques unes. On ne peut qu'admirer ce travail magnifique!

 

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Editeur Bouasse-Lebel, image de 1865, au moment de la reprise de la maison Basset par Bouasse Lebel . Nul doute que cet éditeur ait largement bénéficié du haut niveau qualitatif qui lui était ainsi transféré. Cette supériorité des réalisations de cet éditeur ne se démentira pas par la suite. Tout est harmonie: finesse du dessin, perfection de la dentelle. Ce travail est admirable.

Editeur Villemur qui a aussi réalisé de belles choses pendant toute cette époque

réalisation de Turgis, autre grand éditeur de l'époque

Bouasse-Lebel, de par la qualité de ses productions mais aussi en raison des compétence de gestionnaire de Henri Bouasse, fils aîné de la fondatrice, Eulalie Bouasse Vve Lebel, dominera le monde de l'image pieuse pendant pratiquement tout le siècle. Il faut cependant noter que, depuis les années 1830 jusqu'aux années 1870 (il passera alors la main à son gendre Boumard), celui qui a réalisé le plus grand nombre d'images dentelle est Charles Letaille. Charles Letaille était un chrétien très engagé et un dessinateur de très grande qualité. Ses gravures sont à notre avis les plus belles de par la précision du dessin et l'attitude des personnages, bien en rapport avec son engagement de chrétien. Il s'est par contre visiblement peu intéressé à la dentelle. Pour lui l'essentiel n'était pas là.

Mais, ces chefs de files sont suivis par de très nombreux éditeurs parisiens ou provinciaux. Les éditeurs bavarois, praguois et suisses restent aussi bien présents quoique en nombre beaucoup plus restreint.

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Editeur Letaille. On peut admirer la finesse de la gravure. Mais la dentelle est aussi très réussie, quoique  beaucoup plus simple que celle montrée sur les illustrations précédentes

Dans cette image (qui s'ouvre comme un livret, sur une prière) la gravure est toujours aussi belle mais l'ornementation est réduite à un simple relief. On voit que pour  Letaille (qui fut pratiquement le seul à produire des images de ce type), ce qui compte c'est le dessin et le texte.

un exemple du travail allemand: éditeur Serz de Nürnberg

Ces images peuvent être réalisées en noir et blanc. Elles  peuvent aussi être réalisées en couleurs, soit par gravures polychromes ou chromolithographies, soit par collage de chromolithographies, soit, le plus souvent, par rehaut manuel de couleurs (les images dites « aquarellées »). Plusieurs éditeurs, Villemur entre autres, ont réalisé de très belles images de ce type mais, les plus belles, encore une fois,  sont, selon nous, celles provenant de la maison Bouasse-Lebel.

Certaines images sont entièrement constituées de dentelle gaufrée, d’autres sont  totalement ou partiellement revêtues d’or ou sont ornées de paillettes de diverses couleurs imitant les pierres précieuses ou encore de tissu collé (images satin).

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image aquarellée Bouasse Lebel. Le rehaut de couleurs, contrairement à un certain nombre d'autres éditeurs, n'est pas fait au pochoir mais bien au pinceau: on peut admirer le soin apporté au suivi des lignes et aux dégradés de couleurs

image aquarellée Bouasse-Lebel avec dorures et "pierreries" collées

image avec ornementation de soie collée: "image satin" (éditeur inconnu)

A partir des années 1860, avec l'accroissement considérable des ventes d'images pieuses dans tout le monde catholique et la "démocratisation" de leur utilisation, les éditeurs, pour des raisons d'abaissement de coût et d'une concurrence féroce, ont produit des images au décor de plus en plus simplifié. La dentelle deviendra alors un simple encadrement rectiligne. Les images dentelle disparaîtront après la première guerre mondiale.

Mais, entre temps, la sophistication de certaines réalisations s'était faite encore plus grande avec des réalisations qualifiées de "surprises" par les éditeurs. C'était là, à coup sûr, pour les familles les plus aisées, le moyen de se distinguer devant la montée en puissance d'images plus simples. Ce sont des images constituées de plusieurs éléments dont l’assemblage est varié : bouquet de fleurs s’ouvrant sur une gravure,  avec volets simples ou multiples découvrant plusieurs niveaux d’illustrations, images en forme de « chapelle » ou de crèches, images dites « à système  qui offrent, dépliées, une image en trois dimensions, etc.… Certaines autres mettent souvent en scène un communiant ou une communiante.

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Les images réalisées à l'unité

On rappellera seulement ici ce qui a été dit dans la page "Techniques de production".  où sont décrites les images sur plaque de gélatine, les images "bristol" et les images sur papier de riz.

Les chromolithographies

A partir du dernier quart du XIXème siècle, la production de masse s’oriente vers les chromolithographies. Ainsi qu’on l’a vu  dans la page Techniques de production , cette technique consiste à réaliser des images en couleur par passes successives sur autant de plaques encrées «à plat» que de couleurs de base. Le rendu est assez remarquable, les couleurs sont vives et très agréables. Leur nombre a été considérable, leur prix les rendant accessibles cette fois à toutes les bourses. A l’inverse des images précédentes, l’impression ne concerne généralement que le recto, le verso étant destiné à recevoir, le plus souvent, une personnalisation par la référence aux personnes concernées et à l’évènement ainsi solennisé (communion, confirmation, ordination ...). Ces images se développeront considérablement sur différents thèmes : les personnages (du Christ, de l’enfant Jésus, des saints, du Sacré-Coeur), les fleurs, les croix, les colombes, les sentences, les symboles et autour de diverses autres approches parfois curieuses comme des « billets d’entrée pour le Ciel » et dons « d’intelligence, piété, sagesse, force, conseil, science » ou autres « crainte de Dieu » … Le graphisme et les couleurs sont de qualité, ce sont des pièces très plaisantes à regarder. Ces images, elles aussi, cesseront d’exister vers la fin de l’entre-deux guerres pour être remplacées par d’autres ayant les mêmes approches et le même usage mais dont les qualités graphiques, les couleurs ou le support vont peu à peu baisser de niveau.

En voici quelques exemples

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.Chromolithographie, éditeur Aubry Paris  (1897)

Chromolithographie , éditeurs Bonamy Poitiers (1909)

une chromolithographie allemande à la même époque

Les images allemandes de cette époque

Une des caractéristiques particulières de cette production est d’être majoritairement constituée de souvenirs de pèlerinages dédiés au culte marial. Il existe ainsi une multitude d’images consacrées à ND. de tel ou tel lieu objet de pèlerinage. Il existe cependant aussi de nombreuses autres images consacrées au Christ, au Sacré Coeur, à l’enfant Jésus et aux saints. Le nom des éditeurs, à l’inverse de ce qui existait au début de la période, n’est pas souvent mentionné. Les couleurs réalisées par chromolithographies pour l’essentiel sont très belles et le soin apporté au décor très travaillé des images mérite d’être souligné. On rencontre  aussi de très belles images dentelle en noir et blanc. La découpe des dentelles, lorsqu’elles existent, est par contre un peu moins fine que dans les images françaises                

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les autres images

Plusieurs autres type d'images sont également édités à cette époque.

Les plus nombreuses sont des images bon marché réalisées essentiellement par phototypie reproduisant les oeuvres d'excellents dessinateurs affiliés à la Société de Saint-Jean dont l'objet était de regrouper des artistes reconnus dans l'art religieux. C'est par ce moyen qu'on été produits la plupart des très nombreux faire-part de décès rencontrés pendant cette période.

On trouvera aussi des images représentant des chemins de croix. Les collections d’images que l’on retrouve sont conformes à la tradition la plus répandue, celle du chemin de croix en quatorze stations (dont la 14ème est la mise au tombeau), popularisée par St Léonard de Port Maurice. Ces images sont éditées, soit individuellement, soit regroupées de diverses manières dont des petits livrets qui s’ouvrent en accordéon.

On rencontrera aussi des images représentant des scènes de la bible et bien d'autres encore.

 

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Phototypie, dessin d'Etienne Azambre, le dessinateur préféré de l'éditeur Bouasse-Lebel (vers 1900)

Chemin de croix, éditeur inconnu

image biblique, éditeur inconnu

Commentaires (10)

1. Celine 05/09/2021

Bonjour
Je découvre avec bonheur votre site passionnant.
Chineuse depuis toujours, j’apprécie ces petites images ravissantes en gélatine, mais aussi celles découpées en dentelle.
Grâce à vous, je viens d’apprendre comment ces dernières étaient fabriquées. Je pensais que la découpe était bien plus mécanisée .... je rêverai de voir un de ces outil (la pièce de métal embossée qui permettait de réaliser le gaufrage et la découpe). Ces objets doivent être très beaux... En avez vous ? Je n’en n’ai jamais vu .... cordialement Céline

jean-pierrre

jean-pierrre Le 06/09/2021

Non, malheureusement, je n'en possède pas. Mais je ne désespère pas, j'ai en contact qui va peut-être m'en trouver une reproduction. Merci pour vos commentaires flatteurs.

2. marie-claude lenoir 15/02/2021

Bonjour Madame et Monsieur
Dans un héritage, je viens de trouver des images saintes. Certaines datent de la din du 19ème siècle, et la plupart du milieu du 20ème.
Je désire les donner.
Etes-vous intéressés ?
merci pour votre réponse
Marie-Claude Lenoir

jean-pierrre

jean-pierrre Le 16/02/2021

Oui, bien sûr. Merci infiniment de contribuer ainsi à la sauvegarde de ces petits trésors de notre patrimoine. Je vous envoie un mail pour vous donner nos coordonnées. Bien cordialement

3. ayo 21/10/2018

Bonjour, j' avais acheté une lithographie( je crois, d'après mes recherches) du "Sacré coeur de Jésus "réalisé par Etiennes Azambre et édité par Bouasse Lebel, Dauverné et cie, Copiright 1931, si intéreressé, me contacter par email car je la revends.

jean-pierrre

jean-pierrre Le 23/10/2018

Nous de sommes pas personnellement intéressés mais d'autres pourraient l'être. Donnez votre e-mail et quelques détails supplémentaires sur l'image en particulier ses dimensions. Bien cordialement.

4. Gianluca Lo Cicero 15/10/2017

Bonjour. Je suis aussi collectionneur et érudit des image pieuses et des images dévotionnelles. Félicitations pour le travail effectué, j'ai aussi un site consacré à l'histoire et à la collection de image pieuses avec lesquelles je vise à faire connaître ces petits chefs-d'œuvre de l'art et de la dévotion. Gianluca

www.gianlucalocicero.com

jean-pierrre

jean-pierrre Le 18/10/2017

voir ma réponse sur la page "présentation"

5. marie christine marcon 15/07/2016

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bonjour
suite a un achat sur une brocante a un prix derisoire et dans un etat superbe des images pieuses dentelées quoique j'en ai déjà pas mal !!
trés intéressant ce site qui m'en a fait un peu plus savoir !!
vous invite sur mon blog
les missels de marie
au plaisir

marie

jean-pierrre

jean-pierrre Le 19/07/2016

Merci Marie. Intéressant votre blog. C'est bien de partager comme cela!Nous sommes aussi collectionneurs de missels (environ 2500 sur environ quatre siècles mais surtout du 19ème).. Bien cordialement.Jacqueline et Jean-Pierre

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